L’Etat actionnaire en 2018 ?

La loi de règlement pour 2018 est un texte qui vise à évaluer si le Gouvernement a correctement mis en œuvre le budget voté pour 2018.

Dans le cadre de cette analyse, des focus spécifiques sont réalisés par les « rapporteurs spéciaux ». En tant que rapporteure spéciale pour les participations de l’Etat, j’ai publié le rapport accessible via ce lien.

En résumé :
– Les dividendes que l’Etat a reçus ont été en 2018 les plus faibles depuis 2012. Ces dividendes ont été de 2,5 milliards d’euros en 2018 contre une moyenne de 3,8 milliards d’euros sur la période 2012-2017.
– Le Gouvernement a réduit en 2018 la capacité d’action de l’Etat en matière de participation financière. Fin 2018, il « restait en caisse » de l’Agence des Participations de l’Etat (APE) 1,5 milliard € contre 2,9 milliards € à fin 2017
– le Gouvernement a mis en œuvre une usine à gaz pour financer l’innovation de rupture, via la création d’un fonds. Je dénonce cette « usine à gaz » depuis 2017. En février 2019, la Cour des comptes, sans parler « d’usine à gaz », a dénoncé un mécanisme « inutilement complexe et injustifié ». Résultat des courses : en 2018, pas un seul € n’a été investi dans l’innovation de rupture (la Cour des comptes le dit aussi : « La multiplicité et la complexité des opérations nécessaires à la constitution de ce fonds n’ont pas permis de le rendre opérationnel en 2018 »)
– Plusieurs défaillances de l’État actionnaire ont été visibles au cours de l’exercice 2018, en particulier avec l’annulation par la justice administrative de la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac ou encore avec le non-respect par Général Electric de son engagement de création de 1000 emplois pris en 2015 après le rachat de la branche énergie d’Alstom.
– Plus du quart du portefeuille de l’Agence des participations de l’État (APE), correspondant aux participations non cotées, ne fait pas l’objet d’une réévaluation régulière.
– Enfin, concernant le fonds de concours pour la Grèce, contrairement à ce qui avait été indiqué par le Ministre l’année dernière, le programme de restitution à la Grèce des intérêts qu’elle verse à la Banque de France, suspendu en 2015, n’a pas repris en 2018. Concrètement, la France détient 1,1 milliard € qu’elle doit rendre à la Grèce.

Alerte sur la laïcité !

Entre 1h et 1h40 du matin, l’Assemblée nationale a débattu d’un amendement qui oppose 2 visions de la déclinaison de la laïcité :

  • celle du Gouvernement qui pense que les associations cultuelles n’ont pas besoin de figurer sur le registre des lobbies comme cela est le cas dans de nombreux pays européens
  • la nôtre qui estime au contraire que les associations cultuelles doivent rester inscrites sur ce registre. Pour mémoire, l’inscription de ces associations au registre des lobbies date de la loi Sapin II de décembre 2016 : elle a été mise place sous le quinquennat Hollande. Afin de maintenir cette avancée, le groupe Nouvelle gauche a déposé un amendement que vous pouvez consulter via ce lien. Dès lors, je suis très étonnée des attaques de quelques-unes et de quelques-uns qui diffusent l’idée que le PS n’aurait pas déposé d’amendement sur ce sujet. A noter que le groupe Nouvelle gauche est le SEUL de l’Assemblée nationale à avoir recueilli la signature de TOUS ses membres pour cet amendement.

Notre amendement a recueilli 85 voix « pour » et 88 voix « contre » : il a donc été rejeté à 3 voix près.

Voici le lien vers le résultat du scrutin public sur notre amendement

Voici le lien vers la vidéo des débats portant sur l’article 38 (celui qui contient la proposition de suppression de l’inscription des associations cultuelles au registre des lobbies)

Voici le lien vers la défense de notre amendement

Voici le lien vers le compte-rendu de la séance

Notre groupe n’a d’ailleurs pas attendu cette 2ème lecture pour défendre notre conception de la laïcité. En janvier dernier,  nous avions proposé  une obligation pour les associations cultuelles de déposer leurs comptes annuels, comme doivent le faire un certain nombre d’associations : nous avions déposé 2 versions pour cette obligation, une « stricte » et l’autre moins stricte. C’est cette 2ème version qui a été acceptée par le gouvernement et le rapporteur, que je remercie. Lorsqu’il a à son tour examiné le texte, le Sénat a supprimé cette obligation. Aussi lors de la 2ème lecture, j’ai redéposé un amendement pour inscrire cette obligation. Cet amendement a été voté le 12 juin lors de l’examen en commission, et hier soir dans la version finale du texte.

N’en déplaise à nos détracteurs, nous restons engagés pour défendre la loi de 1905 mais aussi les progrès enregistrés sous le précédent quinquennat, notamment en ce qui concerne les représentants d’intérêts dans loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique puis la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

 

 

Printemps de l’évaluation : les emplois aidés

J’ai interrogé le gouvernement sur 2 points. Suite à la décision de réduire massivement les créations d’emplois aidés et donc à la division par 3 en 2018 par rapport à 2016, j’ai posé 2 questions :

  • que sont devenues les personnes pour lesquelles les contrats n’ont pas été reconduits ? Ont-elles retrouvé un travail ou sont-elles au chômage ?
  • En plus de la diminution du nombre de contrats aidés, le gouvernement les a modifiés, les transformant en PEC (Parcours Emploi Compétences). Il semblerait qu’il existe des difficultés pour que des PEC soient signés. Aussi, j’ai demandé au gouvernement de m’indiquer quelle est la proportion de l’enveloppe de PEC déjà allouée.

Voici le lien vers la vidéo

Voici le lien vers le compte-rendu de la séance

Printemps de l’évaluation : participations de l’Etat

A l’initiative du groupe majoritaire, l’Assemblée nationale a lancé un « printemps de l’évaluation » qui consiste à consacrer plus de temps à la mise en oeuvre des politiques publiques.

En tant que rapporteure spéciale des participations de l’Etat, je suis intervenue en commission sur la situation de l’agence des participation de l’Etat.

Voici le lien vers mon rapport

Voici le lien vers la vidéo de la séance

Voici le lien vers le compte-rendu de la commission élargie qui s’est tenue en présence du Ministre de l’Economie et des Finances,  Bruno Le Maire

Fiscalité locale : qui va payer la note ?

La fiscalité locale fait beaucoup parler d’elle car chacun perçoit son côté injuste : elle ne dépend pas des revenus du contribuable qui doit la payer et elle dépend fortement des valeurs locatives du bien habité. Selon la commune ou le quartier où l’on habite, ces valeurs locatives varient de manière significative, et ce d’autant plus qu’elles n’ont pas été revalorisées depuis les années 1970 ce qui constitue en soi une aberration tant les quartiers ont évolué depuis 45 ans. Par conséquent, la fiscalité locale concentre de nombreux biais, qui conduisent à une forme d’iniquité de traitement entre les Français.

Pour contourner cette situation, le Gouvernement a proposé de supprimer la taxe d’habitation pour 80% des Français : c’est ce que la majorité a voté dans le projet de loi de finances pour 2018. Cette suppression a l’apparence de la « bonne idée ». « Puisque cela comporte des biais injustes, on supprime », balayant d’un trait un point pourtant essentiel : le lien avec le territoire et les élus qui l’administrent. Payer une taxe d’habitation, c’est contribuer de manière directe à la vie de la commune dans laquelle on habite : c’est aussi pouvoir choisir parmi les différentes options en matière d’imposition proposées par les candidats aux élections municipales.

Se rendant sans doute compte que sa mesure « simple en apparence » de suppression de la taxe d’habitation pour 80% des Français virait au casse-tête, le Gouvernement a finalement annoncé que la taxe d’habitation serait supprimée pour tous les Français (et pas seulement les 80% initialement prévus et annoncés pendant la campagne présidentielle). Cette annonce créé une impasse budgétaire de l’ordre de 10 milliards d’euros que le Gouvernement ne sait pas combler. Aussi, pour trouver des idées, il a mandaté deux experts pour plancher sur la question. Dans la lettre de mission qu’il leur a adressée le 12 octobre dernier, le Premier Ministre leur écrit : « il vous est demandé d’envisager un scénario consistant à supprimer intégralement la taxe d’habitation à terme, et de compenser cette réforme via une révision d’ensemble de la fiscalité locale ».

Vu l’ambition affichée dans cette lettre de mission, nous étions impatients de découvrir quelles seraient les propositions de solutions miracles pour compenser la suppression de la taxe d’habitation.

  1. Le rapport fait-il des propositions pour réformer en profondeur la fiscalité locale ? la réponse est NON. Le rapport acte la suppression de la taxe d’habitation pour tous les Français, et maintient tous les autres impôts locaux existants. Par conséquent, il ne traite pas d’une « révision d’ensemble de la fiscalité locale » comme le lui demandait pourtant le Premier Ministre.
  2. Le rapport trouve-t-il les 10 milliards d’euros manquants pour pouvoir rendre effective la suppression totale de la taxe d’habitation sans dégrader les finances publiques de la France du fait de moindre recettes ? Là aussi, la réponse est NON. Le rapport avance en réalité 3 pistes, mais inabouties  :
    1. il propose de réduire de 10 milliards d’euros les dépenses, tout en se gardant bien de préciser quelles dépenses seraient réduites. Mais réduire les dépenses, cela revient concrètement à faire payer de manière indirecte les Français : si cette réduction des dépenses se traduit par exemple par une nouvelle baisse des Aides Personnalisées au Logement (APL), cela conduit à priver certains Français de ressources, donc concrètement à les faire payer. Le problème est qu’effectivement ce ne sont pas les mêmes qui paient : quand on baisse les APL, on ampute le pouvoir d’achat des 6,5 millions de Français qui ont les revenus les moins élevés. En quelque sorte, on demande aux Français qui ont peu de ressources de payer pour que les 500 000 foyers qui ont plus de 6700€ par mois n’aient plus à payer la taxe d’habitation et puissent ainsi bénéficier d’une économie de 1445€ en moyenne par an. Ceci est évidemment très injuste.
    2. il propose de faire payer par les départements le manque à recevoir pour les communes lié à la suppression totale de la taxe d’habitation. Cette solution consiste en réalité à « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». Le rapport propose ainsi que la part de la taxe foncière sur les propriétés bâties qui revient aux départements soit transférée aux communes et aux communautés de communes pour compenser la suppression de la taxe d’habitation. Les départements se verraient remboursés par un impôt national… à trouver.
    3. Faire payer par l’État le le manque à recevoir pour les communes lié à la suppression totale de la taxe d’habitation. Le rapport propose que l’État affecte une partie de la TVA ou de l’impôt sur le revenu aux communes, mais sans préciser si l’État peut se passer de cette partie d’impôt pour boucler son budget (autrement dit sans dire si l’Etat augmentera d’une manière ou d’une autre les taux des impôts existants).
  3. Le rapport propose-t-il des ajustements en matière de fiscalité locale ? La réponse est OUI. Il y a plusieurs propositions très techniques, qui concernent surtout les exonérations de fiscalité locale.

Au final, le rapport ne fait pas de proposition qui permettrait à la fiscalité locale de conserver son lien local avec l’administré, tout en intégrant de manière plus juste les revenus de ceux qui la paient. Il est exact que l’équation visant à lier un territoire et les revenus des contribuables qui y vivent est difficile à résoudre. Mais il est aussi exact qu’en la matière, le rapport ne formule aucune proposition, et se contente d’acter les mesures du gouvernement. Ainsi :

  • il acte l’affaiblissement de  l’autonomie fiscale des collectivités locales. En effet, les communes perdent un impôt (la taxe d’habitation) sur lequel elles avaient le pouvoir de fixer le taux, sans que cela se traduise mécaniquement par plus de pouvoir d’achat pour les Français qui ont les revenus les moins élevés (il est à craindre que ces derniers perdent des allocations qu’ils perçoivent aujourd’hui, au nom de la baisse des dépenses publiques qui sera nécessaire pour financer la baisse de la taxe d’habitation)
  • il acte le fait que les collectivités n’ont aucune marge de manœuvre sur la compensation qu’elles vont recevoir. Elles sont victimes d’une recentralisation qui ne dit pas son nom : aujourd’hui, 1/5ème de leurs ressources dépendent du bon vouloir de l’État ; demain, ce sera un tiers ! Si un gouvernement décidait de supprimer cette compensation, il pourrait le faire. Par exemple, l’actuel gouvernement n’a pas inscrit dans la trajectoire des finances publiques la compensation de la suppression totale de la taxe d’habitation, ce qui fait douter de l’effectivité de cette compensation.
  • il acte une accentuation des inégalités territoriales. La compensation financière accordée aux communes et communautés de communes, telle que proposée par le rapport, reposerait sur une compensation de l’existant, reproduisant les inégalités actuelles de taux et de base. Le système injuste est ainsi gravé dans le marbre.
  • il acte la perte du lien financier entre les communes et leurs administrés, ce qui est une première dans notre histoire.  Ainsi un contribuable locataire ne paiera plus aucun impôt pour sa commune, alors qu’il bénéficiera des infrastructures et des services publics locaux (cantine, piscine, crèche, bus…). Seuls les propriétaires continueront à payer un impôt local, qui risque dès lors d’augmenter.

Autant dire que le rapport Richard Bur nous a laissés sur notre faim…